Histoires de Madagascar
Madagascar : survivre au cyclone Enawo
Enawo. C’est un nom que je n’oublierai jamais ! Ce nom si doux évoque plutôt les plages paisibles de sable blanc, mais Enawo était tout sauf paisible. Le cyclone, de catégorie 4, a violemment frappé la côte nord-est de Madagascar le 7 mars 2017.
« Enawo va certainement être l’un des cyclones les plus violents de ces cinq dernières années », prédisait la météo malgache, 24 heures avant son arrivée. J’étais inquiète mais pas paniquée. Tous les ans, Medair se prépare à la saison des cyclones. Nous avions déjà rapatrié nos travailleurs humanitaires qui se trouvaient sur le terrain. Nous avons sécurisé notre bureau en consolidant le toit à l’aide de cordes et en stockant notre équipement dans des tonneaux étanches. Nous avons trouvé un lieu sûr pour y mettre les véhicules, les motos et les bateaux et nous avons réapprovisionné le coffre-fort au cas où les banques allaient rester fermées pendant quelques jours. Je savais que mes collègues nationaux avaient déjà connu de nombreux cyclones et qu’ils étaient bien préparés. Ils m’ont donné plein de bons conseils, ce qui m’a permis de rester en paix.
À la fin de la journée, j’ai quitté la base de Medair pour faire un dernier tour de la ville et m’assurer que tout le monde avait trouvé un lieu sûr, à l’abri de la tempête. Il pleuvait déjà à verse. De nombreuses familles avaient trouvé refuge dans des écoles et des églises. « Nous avons tout laissé pour venir nous abriter ici », m’a confié une mère de famille, tout en essayant d’aménager au mieux un petit coin dans une classe pour elle et sa famille.
J’ai remarqué que le niveau de la rivière avait déjà monté un peu. La nuit allait être longue pour tout le monde.
Une fois de retour dans ma chambre à la base, le vent s’est mis à souffler de plus en plus fort et j’entendais la pluie marteler le toit et les fenêtres. Je me tournais et me retournais dans mon lit, épuisée de tous les efforts effrénés des 24 dernières heures et pourtant incapable de m’endormir. Je n’arrêtais pas de penser à mes collègues et amis malgaches. Est-ce que leurs maisons en bois allaient résister aux vents violents ? Seraient-elles épargnées par les eaux ?
Quand le jour a fini par poindre, j’ai jeté un coup d’œil dehors et j’ai vu que la rivière était montée de presqu’un mètre. Voulant évaluer les dégâts, je suis sortie dans la rue et j’ai vite réalisé que mes bottes ne me serviraient à rien. J’avais de l’eau jusqu’aux cuisses ! Les rues s’étaient transformées en rivières. Je me suis lentement frayé un chemin jusqu’au bureau. Certaines maisons avaient été détruites ou n’avaient plus de toit ; la plupart d’entre elles étaient inondées. Un grand nombre de puits étaient également sous l’eau et certainement contaminés. Au lieu des cinq minutes habituelles, j’ai mis vingt minutes pour rejoindre le bureau en pataugeant dans les rues inondées.
Quel soulagement quand j’ai ouvert la porte du bureau. Il n’avait pas été inondé —tout du moins pas encore. Un à un, mes collègues malgaches sont arrivés. Ils étaient beaucoup à me dire que leur maison avait été inondée, endommagée, ou les deux. J’étais si fière de voir qu’ils avaient tout laissé derrière eux pour venir d’abord aider les autres. Cela m’a redonné de l’énergie !
Notre première priorité était de sauver des vies. Nos équipes ont rapidement évalué la situation dans toute la ville et nous avons aidé les autorités à évacuer la population des zones dangereuses.
J’ai vécu les 48 heures qui ont suivi dans un mélange confus d’activité constante. Nous avons continué à évaluer les dégâts à pied, en bateau et dans les airs. Maroantsetra n’était plus reconnaissable suite aux vents violents et aux fortes pluies. Sur les plages, le sable n’était plus que boue et débris. Les rues inondées étaient devenues des rivières transportant branches arrachées et objets disparates.