Histoires de Soudan du Sud
Actualité sur le Soudan du Sud: Pas de temps à perdre
Il fait chaud. Une chaleur torride.
Notre chauffeur sue à grosses gouttes mais il garde les yeux fixés sur la route, évitant les nids-de-poule et les flaques de boue qui ont fait leur apparition après les fortes pluies de la nuit. Il conduit vite et mes collègues de Medair et moi-même sommes malmenés à chaque secousse.
Les boîtes isothermes empilées à l’arrière du camion doivent arriver à destination au plus vite. Elles contiennent des doses de vaccin contre la rougeole et des pains de glace qui protègent celles-ci de la chaleur accablante.
Il n’y a pas de temps à perdre. Une épidémie mortelle de rougeole s’est déclarée dans le comté d’Aweil North. Des centaines d’enfants sont tombés malades et des milliers d’autres sont menacés. Nous avons reçu des rapports faisant état de décès tous les jours. Tous les enfants entre six mois et cinq ans devraient être vaccinés contre la rougeole.
Au premier site de vaccination que nous atteignons, une longue file d’enfants et de parents attendent leur tour à l’ombre d’un grand arbre. L’équipe travaille vite mais la file ne diminue pas pour autant. Enfants et mères affluent de toutes parts, répondant ainsi à l’appel de l’animateur communautaire qui fait le tour de la région à vélo avec un mégaphone pour annoncer la campagne de vaccination.
"Je ramasse du bois de chauffe que je vends sur le marcher pour gagner un peu ma vie."
Nos regards se croisent un instant. Nous avons seulement un an d’écart mais nos vies sont si différentes. « Au début de la journée, je ne sais jamais ce que je vais pouvoir rapporter à manger à la maison… et si je vais rapporter quelque chose », ajoute-elle.
Ses plus grands enfants vont à l’école depuis janvier cette année mais Mary n’a pas eu cette chance-là. Elle en rêve pourtant. Je suis remplie d’admiration devant cette jeune maman courageuse et intelligente. Je suis impressionnée par sa force, sa soif d’œuvrer pour un avenir meilleur et sa capacité à garder espoir contre toute attente.
J’aimerais tellement lui dire combien je la trouve forte et courageuse. Nos regards se croisent à nouveau et je lui souris. Son visage s’éclaire et elle me sourit en retour.
Au moment de rassembler ses enfants pour rentrer à pied à la maison, elle se tourne vers moi et me dit : « S’il vous plaît, dites au monde entier que nous avons besoin d’eau, de routes, de cliniques, de personnel médical et d’écoles. »
Quelques instants plus tard, elle n’est plus là. Je me promets de faire ce qu’elle m’a demandé.